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diffraction:moments_postmodernes_dans_le_roman_quebecois

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PATERSON, Janet M., Moments postmodernes dans le roman québécois, édition augmentée, Ottawa, Les Presses de l'Université d'Ottawa, 1993 [1990]. [VA - janvier 2011]

1. Terminologie pour désigner le pluriel et/ou l'effacement des frontières

- Paterson rassemble les différentes manifestations d'hétérogénéité dans le roman québécois depuis 1960 sous l'étiquette de « postmoderne » [à l'avenir, PM]. Par là, elle entend, à la suite de Lyotard à qui elle reprend la définition, une pratique littéraire qui « remet en question aux niveaux de la forme et du contenu, les notions d'unité, d'homogénéité et d'harmonie. Car selon Lyotard, le PM est avant tout un savoir hétérogène qui n'est plus lié à une autorité antérieure mais à une nouvelle légitimation fondée sur la reconnaissance de l'hétérogénéité des jeux de langage » (2).

- En dépit de son caractère flou, la critique a recours à l'étiquette de littérature PM « pour la distinguer du roman traditionnel […], du roman moderne […] et d'autres formes d'écriture (dont celle de l'avant-garde) » (12) [tous les exemples d'oeuvres donnés ici par Paterson sont français ou anglais ; aucun n'est québécois, ce qui est curieux pour un ouvrage qui prétend définir le PM québécois et qui tente d'en réduire le caractère flou…].

- Le PM, donc, n'est pas l'avant-garde : « [M]ême si, à l'instar de l'écriture avant-gardiste, le roman PM se démarque par une certaine expérimentation au niveau du langage et par de fortes tendances autoreprésentatives, issu du modernisme qu'il prolonge et modifie, le roman PM n'est ni illisible, ni violent à outrance » (13)

- Le roman PM n'est pas non plus strictement contemporain, car « [o]n s'accorde pour dire que la rubrique littérature contemporaine englobe toute la littérature d'après-guerre [est-ce vraiment là la conception qui prévaut au Québec, en 1990??], y compris le PM. Dans ce cas, il s'agit véritablement d'une désignation temporelle et non pas typologique » (14). De l'autre côté du spectre, le PM ne sera pas indéfiniment « contemporain » : « Il est tout à fait probable qu'avant la fin de notre siècle, le roman PM sera considéré comme une convention littéraire dépassée » (93).

2. Explications ou concepts utilisés pour aborder le phénomène du pluriel et/ou de l'effacement des frontières

Le concept de postmoderne

Paterson établit une typologie du roman PM, qui expose différentes formes d'hétérogénéité :

  • Énonciation : narrateur

L'acte d'énonciation dans le roman PM se caractérise par « une pluralité de voix narratives. Ces voix sont soit scindées, dédoublées, fragmentées […], soit carrément multiples […]. [C]es voix produisent rarement un discours unifié. Elles refusent, au contraire, d'admettre une seule vision et une seule autorité et elles subvertissent toute notion de contrôle, de domination et de vérité » (18). Cela permet « de remettre en question au niveau de l'énonciation - et donc au niveau du dire - les notions d'autorité et de vision totalisante » (19).

  • Énonciation : narrataire

« [G]reffée sur une pratique communicative, l'instance énonciative ne s'articule plus au sein d'un discours clos et unitaire […], mais par une pragmatique de lectures individuelles et hétérogènes ». Il en résulte une « pluralité et [une] ouverture du sens » (19).

  • Énoncé : diégèse

Le roman PM multiplie les procédés autoreprésentatifs. « En juxtaposant des genres différents […], en multipliant des histoires au sein d'autres histoires (Poulin, Volkswagen blues), en examinant le rapport entre l'écriture et la réalité […], le roman PM révèle une préoccupation marquée pour la question de la signifiance » (20).

Le roman PM se caractérise également par la rupture. « Tout se passe comme si cette écriture était secrètement motivée par une pulsion de déchirement […]. Sous la pulsion d'une forte surdétermination, la rupture emprunte des formes diverses (désordre spatio-temporel, achronologie, représentation fragmentée des personnages, scission du “je” narratif) pour exprimer des sens multiples et variés de la rupture » (20). De façon générale, elle subvertit les notions de clôture, de totalisation, d'ordre et d'harmonie. « De cette manière, la rupture instaure un nouvel ordre du discours ; elle instaure l'ordre de la pluralité, de la fragmentation, de l'ouverture ; elle instaure, bref, l'ordre de l'hétérogène » (20).

  • Énoncé : code

Enfin, Paterson signale l'hétérogénéité des énoncés intégrés au discours fictif et le croisement des genres littéraires. « Pour reprendre un terme qui est devenu banal, on peut suggérer que le texte PM est au vrai sens du mot un texte pluriel. Cette pluralité intertextuelle permet évidemment de subvertir le concept d'impérialisme générique » (21).

À cette typologie, elle ajoute, en conclusion, l'« abolition » d'une autre frontière dans l'écriture PM, « à savoir l'écroulement de la dichotomie entre les discours théorique et littéraire. […] De plus en plus, on assiste aujourd'hui à un phénomène selon lequel l'économie des discours est déplacée par l'effondrement des frontières formelles, alors que les finitudes discursives, jadis bien délimitées, s'entrecroisent ; de plus en plus, on remarque dans la littérature et la théorie postmodernes l'errance d'un système à l'autre, c'est-à-dire une interpénétration qui, en redistribuant les fonctions des discours, peut parfois rendre malaisée la distinction traditionnelle entre théorie et littérature » (125).

3. Cause(s) du pluriel et/ou de l'effacement des frontières

- Paterson situe le PM à partir de 1960, avec l'avènement de la Révolution tranquille, qui a « marqué le début de transformations profondes dans la société québécoise » (17). « Aussi les formes iconoclastes dans les romans PM québécois s'inscrivent-elles clairement dans les mouvements de rupture et de remise en question qui caractérisent, à différents degrés, la société québécoise depuis les années 1960. […] [L]e roman québécois étant issu d'une société qui a vécu une véritable révolution de la pensée, il n'est pas étonnant qu'il fasse éclater les discours dominants et l'ordre des certitudes » (17).

4. Traces du discours critique des années 1960-1970

Considérant que Paterson situe le PM à partir des années 1960, la question ne se pose pas vraiment - du moins pour le Québec. Il reste qu'elle fait maintes fois référence au Nouveau Roman et/ou à l'avant-garde, et aussi aux théories de Barthes (par rapport au scriptible, notamment - 96-102) pour distinguer, à partir d'eux, les particularités PM (au Québec - le paradoxe est là…) : « Si l'écriture PM utilise certaines des stratégies discursives du Nouveau Roman - en particulier les mises en abyme, la rupture des dimensions spatio-temporelles et les jeux du signifiant -, ce n'est pas pour singer ces techniques mais pour les situer dans une tout autre entreprise épistémologique et formelle » (84). On peut dire, en somme, qu'elle reprend les expressions qui ont dû être celles utilisées par la critique des années 1960 pour décrire le Nouveau Roman, mais cela a peu à voir avec le discours critique et la littérature du Québec…

5. Traces du discours critique féministe des années 1960-1970

On parlera vraiment, ici, de « traces » : Paterson situe le roman de Villemaire, La vie en prose, dans le domaine d'une « écriture PM féminine » (83), comme si cela constituait une branche particulière, à part, du PM général. Bref, on pourrait dire qu'elle en est encore à voir une marginalité, une condition à part, dans l'écriture féminine, division, il me semble, en partie héritée du discours féministe des années 1960-1970. Encore que, dans son analyse de l'oeuvre, elle reprend la même typologie du PM que pour les autres cas « masculins ».

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