p. 9 : « La pratique littéraire peut ainsi s'étudier dans la perspective dynamique de mouvements conjoints, et la défiance face à toute classification hermétiquement close, schématisant le complexe, fractionnant le continu. La coïncidence temporelle entre une littérature et son commentaire, leur plus strict degré de contemporanéité, renforcent cette position. L'incomplétude de l'oeuvre en cours, par principe inachevée, et du discours critique immédiat, en mal de distance, discrédite toute tentative théorique rétive au pluriel, au potentiel, à l'incertain. »

p. 11 : « [L'impossibilité pour la littérature de se penser universelle]régit enfin la pratique du texte, moins épris que jamais d'appartenances génériques, en recherche de formes mutantes et hybrides, accordées à un univers dont le sens se recompose. À époque incertaine, récits indécidables : la notion d'indécidabilité narrative se veut la théorisation souple de ce postulat ».

P. 13 : « La notion du récit indécidable désigne alors un texte aux degrés de fictionnalité différenciés, qui subvertit les catégories littéraires établies en surimprimant leur protocole. A toute tension unilatérale, à toute concentration polarisatrice il préfère la mise au clair de ses possibles, la mise en doute du parti-pris, du pari-tenu - récit dévoyé, qui se complaît hors des lignes droites, en traverse des marges. Pluralité, différences, simultanéité, paradoxes : tels en seraient les paradigmes structurels. »

p. 16 : « La formalisation romanesque, subordonnée à la narration plutôt qu'autonome, appelle par ailleurs une composition en suite d'événements, en cycles d'épisodes, en phases d'aventures. Activée par ses paramètres traditionnels (action, diversion, hasard romanesque, suspens), l'intrigue redevient le pivot moteur de la structure narrative. Fréquemment régie par le principe de la moindre contrainte, elle s'ouvre toutefois à l'inventivité immédiate, au libre jeu d'un imaginaire qui dicte, en incises, des échappées, des embardées, des digressions, un romanesque de l'occasionnel. »

p. 16 : « L’intrigue se décale, se dédouble, se défait. Un jeu sur les proportions romanesques en redouble l’effet : les situations prolifèrent, les circonstances rebondissent, les aventures s’amalgament. Le regard spéculaire veille : tendant vers une histoire, le texte qui s’écrit entretient aussi sa propre conscience. Sans se décomposer, le roman s’autodétourne sporadiquement, à des degrés variables. »