« La déconstruction du récit classique tient d’abord à la prise de conscience de la nature sociale du langage : les formes littéraires ne sont jamais neutres. Comme l’a montré Barthes, ce n’est pas un hasard si l’explosion du genre romanesque s’est produite dans le siècle du libéralisme triomphant. Voulant présenter ses propres valeurs comme absolue, la société bourgeoise trouve dans le récit romanesque le matériau formel dont elle a besoin pour élaborer une mythologie de l’universel. […] La seconde grande raison qui invite les romanciers à renouveler les formes narratives est d’ordre épistémologique. La conviction, caractéristique de la modernité, qu’il n’y a plus de vérité indiscutable ne pouvait manquer d’avoir des incidences sur la croyance aux récits. Comment accepter la structure rassurante du roman classique, une fois perdue l’illusion que nos actes s’inscrivent dans une finalité? »

Vincent Jouve, « Les métamorphoses de la lecture narrative », Protée, volume 34 n 2-3, automne-hiver 2006, p. 155.