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Table des matières
Dominique Rabaté, Le chaudron fêlé. Écarts de la littérature, Paris, José Corti (Les essais / Rien de commun), 2006. [Viviane Asselin]
Le chaudron fêlé - table des matières commentée
1. Terminologie pour désigner le pluriel
- L'auteur invite à considérer la littérature comme une « dynamique des écarts » (p. 9), d'où qu'elle résiste à une définition claire et définitive. Elle est un ensemble mouvant de « pratiques », d'« inventions génériques », de « façons de lire » (p. 9), qui ne sauraient se réduire à « une unité factice » (p. 12).
- Le roman est aujourd'hui composé de « fragments de discours et de réalité » qui « ne renvoient plus à un Tout grandiose ». Il s'agit de « morceaux », de « moments » ou de « détails », qui sont les « marques » ou les « traces » d'un presque rien. Le roman se donne par « à-coups », par « trouées », par « échappées », grâce à des « fêlures » (p. 11). Ces fêlures, « qui fendille[nt] discrètement une unité improbable, désigne[nt] des lignes de fracture » (p. 13).
- « La totalité reste multiple et tangentielle, forcément et heureusement incomplète. Elle est sans synthèse ultime, et pas même un livre ne peut la subsumer. Le roman n'est plus le contenant indiciel d'un monde qui serait son image ou son double ; il est à imaginer selon la logique de la multiplicité » (p. 12-13).
- L'auteur parle encore de « ruptures », de « poétique de la métonymie » (le roman a perdu sa voix pleine, p. 10), de « chaudron fêlé » (qui désigne une irrémédiable incomplétude, p. 17-18), de « roman impossible » (Quignard, 57), « roman pluriel » (Perec, 59), « polyphonie dynamique » des voix (65)… (Rabaté multiplie les synonymes liés à une unité perdue tout au long de l'ouvrage).
2. Explications et concepts utilisés
Tous les concepts convoqués par Rabaté servent à rendre compte d'une poétique littéraire contemporaine qui s'élève sur le constat d'une forme totalisant qui semble s'être dérobée.
Le concept de la métonymie :
Par « métonymie », Rabaté entend « la possibilité figurale de désigner allusivement le tout par la partie […], la possibilité qu'un fragment du monde appelle le tout par un mécanisme de contiguïté », de même que « l'exploitation même de la continuité de l'axe syntagmatique », en ce que la métonymie substitue à l'infini un mot à un autre pour configurer discursivement notre expérience du monde (p. 47).
Dans la première partie de son ouvrage, Rabaté explore ainsi les pouvoirs et les limites de la métonymie, celle-ci permettant de saisir l'une des poétiques originales à l'oeuvre dans le roman moderne (i.e. depuis Flaubert, mais Rabaté oriente ses réflexions sur quelques stratégies d'écriture contemporaine, celles de la génération d'après Proust et Joyce). Depuis le Romantisme, il en va « d'une idée nouvelle des fonctions et des missions de la littérature, qui lui assignent une ambition essentielle : rendre compte de la totalité, donner une forme au multiple dans toute sa diversité » (44). C'est cette tâche de totalité « qui doit continuer d'animer l'entreprise romanesque, vouée à dire la complexité du multiple en une forme, certes plurielle et mouvante, mais encore unifiante. Mais, dans le même temps, cette ambition appelle comme son nécessaire revers la conscience que le tout qui structurerait l'unité du monde est peut-être perdu, qu'il se donne en morceaux (44-45). C'est dire la tension sur laquelle se construisent les textes, lesquels témoignent, sur un mode à la fois joueur et mélancolique (54), de l'impossibilité de reconstituer l'intégralité du réel. Il donne l'exemple de Quignard et de Perec (voir corpus].
[Corpus] À cet effet, Rabaté convoque l'oeuvre de Quignard, laquelle situe le fragment au coeur de ses enjeux. Il décrit Quignard comme étant « post-moderne », en ce que l'écrivain critique le primat de « l'interruption » dont les Modernes ont fait leur mot d'ordre esthétique. Cela dit, s'il privilégie, pour sa part, le lien et le liant, son oeuvre trahit l'impossibilité d'y échapper vraiment (Petits traités, Une gêne technique, Les tablettes de buis d'Apronenia Avitia, Le salon du Wurtemberg…).
Les concepts de voix et de sujet
Rabaté travaille à retracer « cette imperceptible rupture entre un sujet et sa voix, entre un sujet en quête d'unité et les voix qui le parlent, parties débordant le fait qu'elles s'efforcent néanmoins de constituer (64). « Non-coïncidence de la voix et du sujet » (76)… voir si pertinent pour nos préoccupations sur la labilité / diffraction.
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