Ceci est une ancienne révision du document !
Table des matières
TONNET-LACROIX, Eliane, La littérature française et francophone de 1945 à l'an 2000, Paris, L'Harmattan (Espaces littéraires), 2003. [VA]
La littérature française et francophone - table des matières
1. Terminologie pour désigner le pluriel et/ou l'effacement des frontières
- « brouiller les frontières » (278)
- « formules mixtes » (278)
- « récit digressif » (285)
- « le récit ne “prend” pas », en raison des « bribes », des « écarts », des « variations » (285-286)
- le recueil de nouvelles contemporain ressemble à un « roman éclaté » (288)
- « récit polyphonique » (297)
- « récits baroques » (298)
- « récits hybrides » (roman à thèse + roman d'aventure) (301)
- « confusion des genres » (311)
2. Explications ou concepts utilisés pour aborder le phénomène du pluriel et/ou de l'effacement des frontières
Le genre
L'auteure a recours à la perspective générique pour tenter de décrire la forme que prend le pluriel dans certaines oeuvres contemporaines. Les « nouveaux » genres - ou, du moins, leurs « nouvelles » pratiques - sont considérés par l'auteure comme des alternatives postmodernes au roman qui brouillent et/ou assouplissent les frontières codifiées (vécu / fictif ; soi / autre ; passé / présent…).
Ainsi, l'autofiction « échappe aux classement rigoureux et convient à l'esprit d'une époque sceptique à l'égard de la vérité et aimant le complexe et l'indécidable. Il [le mot] [est] employé pour désigner un mixte de vérité autobiographique et de fiction romanesque, grâce à quoi l'écrivain totalement libre peut brouiller les frontières entre le vécu et le fictif et faire coexister les pactes contradictoires, ou plutôt les annuler l'un par l'autre » (278). L'autofiction conduit à l'estompage des frontières entre roman et autobiographie. Quant au récit de vie, ou récit biographique (fiction prenant pour héros un être réel, inconnu parfois), il « est souvent morcelé, elliptique, dépourvu d'intrigue et de dialogues » (283).
Une autre façon d'esquiver les conventions génériques est l'adoption de « formes souples, parfois fragmentaires, où le fil narratif peut être constamment rompu par les digressions et où se mêlent récit, journal, essai, divagation poétique. […] La mode est au récit digressif. » (285). On dirait alors que « le récit ne “prend” pas. Il apparaît par bribes, il s'encombre d'écarts, de variations, où compte plus finalement la voix narrative que l' “action” elle-même » (285-286).
La méfiance envers le roman favorise par ailleurs le genre bref, dont la nouvelle : « Brièveté, densité, discontinuité, ces caractères de l'art de la nouvelle s'accordent au goût moderne pour le fragmentaire et encore plus au goût du minimalisme postmoderne » (287). « L'évolution générale du genre au XXe siècle semble montrer une tendance à raccourcir la nouvelle et à accentuer l'unité du recueil, au point que l'ensemble des nouvelles serait comme un roman éclaté, qui changerait constamment d'anecdote et de personnages, puisque chacun des récits possède sa complète autonomie tout en s'intégrant à un univers cohérent » (288). Sur ce sujet, je renvoie, à fin de comparaison, à COUSSEAU, Anne, « La littérature des petits bonheurs et des plaisirs minuscules, une nouvelle prose du monde .
Cela dit, certains écrivains n'optent pas moins pour le genre romanesque, à la condition d'en détourner les codes. L'intertextualité, les réécritures, les contraintes, les variations de ton, les sorties du réalisme, le recyclage de formes anciennes… semblent toutes des stratégies susceptibles de favoriser une certaine pluralité de l'oeuvre (tout se passe comme si l'auteure identifiait les stratégies sans en expliciter les conséquences sur l'oeuvre narrative, d'où mon hésitation).
3. Cause(s) du pluriel et/ou de l'effacement des frontières
Postmoderne
L'auteure observe des « corrélations entre état de la société, système de pensée et oeuvres littéraires » (6), en l'occurrence dans la seconde moitié du XXe siècle. Ainsi, la période qui s'étend de 1975 à 2000, nommée « postmoderne », marquée par un certain air du temps, influence la création littéraire de l'époque. Parce que la cause est ici d'ordre socio-historique (voire moral et idéologique aussi), je renvoie à cette section sur le wiki pour éviter les redites (Spécificités historiques culturelles — France).
- Esquiver le roman et ses conventions
Parce que le roman est parfois considéré, par les écrivains eux-mêmes, comme une forme épuisée, ils tentent d'en esquiver la formule, que ce soit en optant pour un genre dérivé ou pour l'invention au sein même des frontières romanesques. Ils « cherchent des alternatives, la reprennent de façon parodique ou ludique, stratégies qui témoignent bien de la permanence du soupçon à son égard mais également d'une forme de nostalgie » (275). Le renouvellement du roman est peut-être à ce prix.
Jeu
Les « détournements » et les « déguisements » du roman contemporain s'inscriraient en réaction avec l'exercice des Nouveaux Romanciers, qui cherchaient à détruire les codes romanesques. Les romanciers contemporains souhaitent ainsi plutôt jongler avec ceux-ci, « en prenant [leurs] distances [des codes romanesques] par le clin d'oeil ou la parodie » (289). (L'auteure dit peu de choses de ces jeux auxquels se prêteraient les romanciers, sinon en mentionnant au passage l'intertextualité, la réécriture, , les variations sur un genre, les contraintes et la réduction de l'intrigue.)
4. Traces du discours critique des années 1960-1970
De même que la plupart des ouvrages consultés, le discours critique des années 1960-1970 survit dans le discours contemporain en tant que « repoussoir ». La déconstruction associée aux Nouveaux Romanciers est remplacée par une volonté de jouer avec les codes, tantôt sur un mode ludique, tantôt sur un mode mélancolique. Les écrivains contemporains sont certes les héritiers de l'ère du soupçon, mais ils appliquent également ce soupçon aux expérimentations radicales de la génération précédente.