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diffraction:frontieres_et_manipulations_generiques_dans_la_litterature_canadienne_francophone

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diffraction:frontieres_et_manipulations_generiques_dans_la_litterature_canadienne_francophone [2011/01/19 14:14] – [2. Explications ou concepts utilisés pour aborder le phénomène du pluriel et/ou de l'effacement des frontières] vivianediffraction:frontieres_et_manipulations_generiques_dans_la_litterature_canadienne_francophone [2018/02/15 13:57] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1
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 **LALONDE, Lucie, et Pierre SIGURET (dir.), //Frontières et manipulations génériques dans la littérature canadienne francophone. Actes du colloque organisé par les étudiants du département des Lettres françaises de l'Université d'Ottawa du 20 au 22 mai 1992//, Ottawa, Le Nordir, 1992. [VA]** **LALONDE, Lucie, et Pierre SIGURET (dir.), //Frontières et manipulations génériques dans la littérature canadienne francophone. Actes du colloque organisé par les étudiants du département des Lettres françaises de l'Université d'Ottawa du 20 au 22 mai 1992//, Ottawa, Le Nordir, 1992. [VA]**
  
-Note : les communications qui ne portent pas sur un corpus contemporain ont été ignorées.+[[Frontières et manipulations - table des matières]] 
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 +**Note : les communications qui ne portent pas sur un corpus contemporain ont été ignorées.**
  
  
 ===== 1. Terminologie pour désigner le pluriel et/ou l'effacement des frontières ===== ===== 1. Terminologie pour désigner le pluriel et/ou l'effacement des frontières =====
  
-On ne saurait dire qu'il y a de véritables efforts terminologiques pour désigner la labilité - du moins pour la rassembler sous des étiquettes, fortes, éloquentes ; tout au plus des expressions ponctuelles +On ne saurait dire qu'il y a de véritables efforts terminologiques pour désigner la labilité - du moins pour la rassembler sous des étiquettes, fortes, éloquentes ; tout au plus des expressions ponctuelles et synonymiques. Les deux directeurs du collectif associent ainsi la littérature à la « lutte des frontières, voire à un décloisonnement généralisé » (7), qui se traduisent par des « mélanges hyper-génériques (roman-poésie-essai) » (7), des « transferts génériques » (7). Anna Gural-Migdal (« La transgression générique, une quête initiatique dans //La vaironne// d'Évelyne Bernard ») ira même jusqu'à parler de « barbarie », qui peut « se définir comme une attitude postmoderne reconnaissant la hiérarchie pour se donner la liberté de la transgresser » (86).
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-Les auteurs associent la littérature à la « lutte des frontières, voire à un décloisonnement généralisé » (7), qui se traduisent par des « mélanges hyper-génériques (roman-poésie-essai) » (7), des « transferts génériques » (7).+
  
 ===== 2. Explications ou concepts utilisés pour aborder le phénomène du pluriel et/ou de l'effacement des frontières ===== ===== 2. Explications ou concepts utilisés pour aborder le phénomène du pluriel et/ou de l'effacement des frontières =====
  
-La pluralité et l'effacement des frontières sont surtout observés sur le plan du **genre**, dont la « transgression » (29), la « contamin[ation] » (34), la « manipulation » (78), la « subversion » (79), le « métissage » 79), l'« hybrid[ité] » (98), etc, donnent lieu à des formules hétérogènes. Une citation, parmi d'autres :+La pluralité et l'effacement des frontières sont surtout observés sur le plan du **genre**, dont la « transgression » (29), la « contamin[ation] » (34), la « manipulation » (78), la « subversion » (79), le « métissage » 79), l'« hybrid[ité] » (98), etc, donnent lieu à des formules hétérogènes. Une citation, parmi d'autres :
  
 « Le roman canadien francophone contemporain se caractérise par l'emprunt à une multitude de discours : analyse dite psychologique, exposé et allusions historiques, examen philosophique, roman policier, science de la fiction, opéra-savon, tentative et illustrations poétiques, théâtralité référentielle, etc. Ces emprunts forment des agrégats discursifs et/ou textuels confirmant la confusion des genres et désorientant le lecteur qui s'en remet à l'étiquette imposée par l'éditeur. C'est aussi l'aveu du renouvellement insolite des énoncés littéraires et non littéraires au Canada francophone. [...] Pratiques intertextuelles et pratiques interdisciplinaires semblent donc être ici la clé de la problématique du genre » (Pierre Siguret, « Déploiement du paradigme dans l'analyse des juxtapositions des discours : Anne Hébert, Jacques Godbout et Réjean Ducharme », p. 36-37). « Le roman canadien francophone contemporain se caractérise par l'emprunt à une multitude de discours : analyse dite psychologique, exposé et allusions historiques, examen philosophique, roman policier, science de la fiction, opéra-savon, tentative et illustrations poétiques, théâtralité référentielle, etc. Ces emprunts forment des agrégats discursifs et/ou textuels confirmant la confusion des genres et désorientant le lecteur qui s'en remet à l'étiquette imposée par l'éditeur. C'est aussi l'aveu du renouvellement insolite des énoncés littéraires et non littéraires au Canada francophone. [...] Pratiques intertextuelles et pratiques interdisciplinaires semblent donc être ici la clé de la problématique du genre » (Pierre Siguret, « Déploiement du paradigme dans l'analyse des juxtapositions des discours : Anne Hébert, Jacques Godbout et Réjean Ducharme », p. 36-37).
  
-Le genre semble une assise forte pour la critique ; c'est son apparente homogénéité qui permet aux critiques d'en relever aujourd'hui l'hétérogénéité :+Le genre semble une assise forte pour la critique ; c'est son apparente homogénéité traditionnelle qui permet aux critiques d'en relever aujourd'hui l'hétérogénéité  :
  
 « La littérature contemporaine est-elle tout à fait exempte de distinctions génériques ? On peu en douter. Certes, ces distinctions ne correspondent plus aux notions léguées par les théories littéraires du passé. Mais [...] [n]e pas reconnaître la norme générique, c'est aussi s'interdire d'en déceler la possible transgression. Mieux vaut donc [...] préserver l'idée du genre ''[comme si elle maintenait l'idée du genre pour en permettre les transgressions - comme un repère qui facilite la tâche du critique...]''» (Anna Gural-Migdal, « La transgression générique, une quête initiatique dans //La vaironne// d'Évelyne Bernard », p. 78). « La littérature contemporaine est-elle tout à fait exempte de distinctions génériques ? On peu en douter. Certes, ces distinctions ne correspondent plus aux notions léguées par les théories littéraires du passé. Mais [...] [n]e pas reconnaître la norme générique, c'est aussi s'interdire d'en déceler la possible transgression. Mieux vaut donc [...] préserver l'idée du genre ''[comme si elle maintenait l'idée du genre pour en permettre les transgressions - comme un repère qui facilite la tâche du critique...]''» (Anna Gural-Migdal, « La transgression générique, une quête initiatique dans //La vaironne// d'Évelyne Bernard », p. 78).
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 +On le voit, les auteurs de l'ouvrage s'en tiennent pour l'essentiel à la question de la subversion, c'est-à-dire qu'ils évaluent l'écart avec la norme générique, sans aller au-delà de cette transgression pour proposer, par exemple, l'idée d'un nouveau genre formé à partir de ces manipulations. Peut-être est-il encore trop tôt, considérant que l'ouvrage a été publié en 1992... On peut aussi y voir la même posture que celle adoptée par la revue //Urgences//, dont Ginette Michaud cite le liminaire du numéro « Le roman comme poétique » (n° 28, mai 1990) : « Notre objectif était de rendre compte de la confrontation des genres plutôt que de remettre en cause le bien-fondé des typologies génériques » (cité dans Ginette Michaud, « Quelques réflexions sur les transferts génériques », 121). Cette posture défendue par //Urgences// puis //Tangence//, Michaud l'oppose à celle, plus spectaculaire, de //La nouvelle barre du jour// qui, en 1987, tient un colloque sur « La mort du genre ».
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 +**Transferts génériques**
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 +Ginette Michaud, après avoir livré un survol des différentes voies adoptées pour aborder la question du genre, propose celle-ci : « [J]'aimerais [...] souligner ce qui me paraît l'une des voies les plus fécondes pour aborder la question générique autrement, c'est-à-dire non comme un déjà-là, comme un découpage pré-formé, mais comme une figure qui serait comme la disponibilité soudaine du système des genres "à se laisser percevoir et à se manifester lui-même" dans l'oeuvre littéraire, comme l'écrit Clément Moisan. Les transferts génériques qui se produisent à l'intérieur des oeuvres littéraires elles-mêmes sont en effet des lieux exemplaires où sont problématisés ces rapports de force qui nous intéressent et qui nous obligent à tenir compte, si besoin était, du pouvoir du genre qui les contraint, mais de l'intérieur pour ainsi dire.
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 +Ces transferts génériques internes, on serait presque tenté de dire intimes, ces passages d'une forme à une autre, ces fantasmes de la prose à l'égard de la poésie par exemple [...], me paraissent des moments essentiels pour saisir les rapports contradictoires ui lient les formes l'une à l'autre. » (« Quelques réflexions sur les transferts génériques », 128).
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 ===== 3. Cause(s) du pluriel et/ou de l'effacement des frontières ===== ===== 3. Cause(s) du pluriel et/ou de l'effacement des frontières =====
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 - Le renouvellement du genre est « suscité par une culture solidement ancrée dans les hommes, les femmes et le terroir » (7). Il en résulte une « inéluctable transformation de la littérature » (7).  - Le renouvellement du genre est « suscité par une culture solidement ancrée dans les hommes, les femmes et le terroir » (7). Il en résulte une « inéluctable transformation de la littérature » (7). 
  
-Dans le même ordre d'idées, Allan Walsh (« Texte, genre et frontières génériques dans le roman historique au Canada francophone », p. 20-28) propose une hypothèse intéressante d'un point de vue socio-littéraire - cela dit à partir d'un corpus non contemporain : « À mon avis, l'intérêt d'une analyse générique est de nous permettre de grouper des textes et de montrer de quelle façon **ils participent au système textuel d'une époque donnée, tout en mettant en évidence les liens que ces textes entretiennent avec la société**, avec les textes qui les ont précédés et avec les autres types de discours » (20). Autrement dit, le renouvellement des genres - leur croisement, leur mélange - participerait des transformations socio-littéraires d'une époque donnée. Par exemple, //Les engagés du Grand Portage// (1938) « textualise dans son organisation formelle toute une série de préoccupations propres aux années trente, telles l'objectivité et un mode de description réaliste » (25), avec comme résultat une transformation du genre historique. //Kamouraska// (1970), pour sa part, « thématise non seulement toute la question de la véridicité historique, mais aussi le problème de la construction de l'identité, tout en donnant une image de celle-ci comme processus en cours » (26).+Dans le même ordre d'idées, Allan Walsh (« Texte, genre et frontières génériques dans le roman historique au Canada francophone », p. 20-28) propose une hypothèse intéressante d'un point de vue socio-littéraire - cela dit à partir d'un corpus non contemporain : « À mon avis, l'intérêt d'une analyse générique est de nous permettre de grouper des textes et de montrer de quelle façon **ils participent au système textuel d'une époque donnée, tout en mettant en évidence les liens que ces textes entretiennent avec la société**, avec les textes qui les ont précédés et avec les autres types de discours » (20). Autrement dit, le renouvellement des genres - leur croisement, leur mélange - participerait des transformations socio-littéraires d'une époque donnée. Par exemple, //Les engagés du Grand Portage// (1938) « textualise dans son organisation formelle toute une série de préoccupations propres aux années trente, telles l'objectivité et un mode de description réaliste » (25), avec comme résultat une transformation du genre historique. //Kamouraska// (1970), pour sa part, « thématise non seulement toute la question de la véridicité historique, mais aussi le problème de la construction de l'identité, tout en donnant une image de celle-ci comme processus en cours » (26).
  
 On pourrait rattacher à cette hypothèse socio-littéraire la posture défendue par Nirmaljeet Sandhu (« Québécité et polyphonie dans //La Québécoite// de Régine Robin et //L'autre rivage// d'Antonio D'Alfonso, p. 96-103), selon laquelle l'écriture migrante, dans les années 1980, est entrée « en jeu intertextuel avec "le texte national" [ ; ] elle subvertit, elle déconstruit et transforme les notions de la race, de la nation et de l'Histoire québécoise » (97). On pourrait rattacher à cette hypothèse socio-littéraire la posture défendue par Nirmaljeet Sandhu (« Québécité et polyphonie dans //La Québécoite// de Régine Robin et //L'autre rivage// d'Antonio D'Alfonso, p. 96-103), selon laquelle l'écriture migrante, dans les années 1980, est entrée « en jeu intertextuel avec "le texte national" [ ; ] elle subvertit, elle déconstruit et transforme les notions de la race, de la nation et de l'Histoire québécoise » (97).
  
 +Cela dit, pour remettre en question l'impression, assez répandue, d'homogénéité du discours littéraire national dans les années 1960-1970, on lira l'analyse de Nina Hopkins Butlin sur l'oeuvre de Ferron (« L'irruption de la poésie dans la prose de Jacques Ferron », p. 69-77). Car, si le discours littéraire national domine la période, il reste que cette prise de parole est hétérogène - du moins chez Ferron : « Oui, le caractère hétérogène du texte ferronien évoque et signifie la collectivité dans toute sa diversité, mais il offre en même temps une epxression lacunaire et ambiguë. On peut même parler d'une richesse disjonctive, d'une intensité réfractrice, d'une exploration à la fois ludique et désespérer d'un espace langagier où le signifiant, hésitant devant un référent protéiforme et élusif, devient, lui aussi, mixte » (69).
  
 ===== 4. Traces du discours critique des années 1960-1970 ===== ===== 4. Traces du discours critique des années 1960-1970 =====
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 « Pour les structuralistes, tel Todorov, la littérature apparaît comme un système en continuelle transformation, comme une exploration des puissances fictionnelles du langage » (29) : on voit bien là, chez Denis Guay (« Métamorphose et saga chez Victor-Lévy Beaulieu », p. 29-35), le discours structuraliste dont hérite la critique contemporaine. « Pour les structuralistes, tel Todorov, la littérature apparaît comme un système en continuelle transformation, comme une exploration des puissances fictionnelles du langage » (29) : on voit bien là, chez Denis Guay (« Métamorphose et saga chez Victor-Lévy Beaulieu », p. 29-35), le discours structuraliste dont hérite la critique contemporaine.
  
 +===== 5. Varia =====
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 +Selon Ginette Michaud (« Quelques réflexions sur les transferts génériques »), le rapport au genre chez //Urgences// est encadré par les théories de Ricardou et de Genette, dont l'application pratique serait plus fréquente, voire plus fidèle, que du côté de la production littéraire française :
  
 +« L'expérimentation générique qui se poursuit à //Urgences// finit en effet par apparaître à rebours comme l'application, plus ou moins délibérée ou systématique, sur un corpus d'oeuvres québécoises de propositions théoriques empruntées, entre autres, à Ricardou et à Genette. Ces deux théoriciens du genre, et surtout le second, semblent ici des autorités incontestables, dont la prégnance des travaux est régulièrement réaffirmée sous diverses formes [...]. **Pousserait-on le va-et-vient entre théorie du genre et pratique textuelle aussi loin en France ? On me permettra d'en douter**, et de trouver dans cette forme d'exploration hyperlocalisée de zones toujours plus périphériques du texte littéraire une retombée pour le moins originale des théories sur le genre » (Ginette Michaud, « Quelques réflexions sur les transferts génériques », p. 123).
  
diffraction/frontieres_et_manipulations_generiques_dans_la_litterature_canadienne_francophone.1295464490.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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