Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, Histoire de la littérature québécoise, Montréal, Boréal, 2007.

- L’atomisation est attribuée à l’ère du pluralisme contemporain («la tentation du baroque») ; il s’agit alors d’une réponse face au réel lui-même éclaté :

«[…] ce roman “postmoderne” cherche moins à rompre avec des modèles anciens qu’à s’ouvrir aux formes narratives les plus diverses, celles qui s’accordent avec le pluralisme contemporain et qui n’excluent pas un certain retour au réalisme traditionnel. […] La fragmentation, la discontinuité, l’éclatement du sens constituent ici un mode naturel, une façon d’être propres à une génération d’individus qui doutent sans cesse de la place qu’ils occupent dans le monde. Chacune de ces fictions exacerbe la perte du sens de l’histoire, l’immersion dans un présent désordonné, l’effritement des liens sociaux, l’hétérogénéité des référents culturels et l’aspect de plus en plus énigmatique du réel.» (p. 552) ; (Section «Romans baroques et hyperréalisme», p. 552-560)

- Deux icônes retenues :

Gaétan Soucy : «L’écrivain le plus follement baroque de cette période demeure toutefois Gaétan Soucy […] L’Immaculée Conception (1994) : personnages hébétés de douleur, faits divers troublants, cadre stylisé, scènes de carnaval et de profanation, mais aussi clins d’œil à la littérature, goût de l’allusion cryptée, multiplication des intrigues que relient entre elles de mystérieux objets, narration brisée par des retours en arrière.» (p. 558)

Nicolas Dickner (le réel vécu comme perte de repères) : «L’écriture se laisse envahir par tout ce qui l’environne. Il s’agit de coller au monde des signes, mais en même temps d’ouvrir ce monde à des univers de sens inattendus, notamment par le télescopage du passé et du présent. Tout fait signe, tout est soluble dans l’écriture romanesque. D’un compas légèrement défectueux jusqu’au dépotoir d’ordinateurs, le roman est une collection de choses hétéroclites, de curiosités postmodernes ou de vieilleries inutiles qui deviennent les emblèmes d’un monde surchargé ou rien d’original n’existe, où tout est indéfiniment recyclable. Le plus étrange est finalement que le personnage parvient, sans cynisme ni révolte, à reconnaître pour sien ce monde où même les compas semblent avoir perdu le nord.» (p. 560)