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diffraction:brievete_et_recueillisation

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Brièveté et recueillisation

Fascination du bref, du dense, de l'itératif

L'éclatement et l'incomplétude des textes comme prise de position politique : défendre les démunis, les marginaux. Isabelle Boisclair aborde Crimes et chatouillements d'Hélène Monette comme une juxtaposition de «courtes histoires», un «recueil de courts textes» (29), qui, dans son incomplétude et son inachèvement, prend position politiquement en incluant l'autre, les lecteurs («appelés à participer et collaborer pour reconstituer les univers d'où sont tirées les vignettes», 30), mais surtout les êtres marginaux, les êtres socialement démunis. L'incomplétude et l'inachèvement de l'œuvre deviennent alors les signes d'une «posture non-autoritaire, non-totalitaire» (29) (VS forme canonique totalitaire/proposition de Boisclair), invitant à l'inclusion de l'autre.

→ GALLANT, Janine, Hélène DESTREMPES et Jean MORENCY (dir.), L'œuvre littéraire et ses inachèvements, Québec, Groupéditions, 2007.


Le recueil de nouvelles : « […] le fondement narratif des nouvelles joue un rôle actif dans l’élaboration d’arrangements où la mise en récit investit l’espace du recueil. […] La voie la plus manifeste d’intégration du narratif dans le recueil de nouvelles reste certainement le recours, pour tous les textes rassemblés, à un même univers de fiction et à une même trame diégétique, aussi lâche soit-elle. » (26) La séquence temporelle liant les évènements (nouvelles) entre eux est décomposée au profit d’une « architecture plus libre », d’une configuration savante qui éveille l’intérêt du lecteur, ce qui distingue le recueil de nouvelles du roman. (28) L’unité entre les nouvelles peut reposer sur le lieu, la relation entre les personnages, la thématique, un texte encadrant (Lahaie, 1996) qui imprime un mouvement à l’ensemble, le paratexte, etc. »

→ AUDET, René et Andrée MERCIER [dir.], La narrativité contemporaine au Québec, tome 1 - La littérature et ses enjeux narratifs, Québec, Les presses de l'Université Laval, 2004.


Dans son texte «Le bref, le retentissement et le sacré chez Anne Hébert», Grazia Merler affirme ne pas croire que la brièveté et l'instantané soient des manifestations du postmoderne. Il avance plutôt que « La forme brève qui, à vrai dire, a toujours existé, [semble] davantage la marque d'un tempo, d'un rythme de lecture et de consommation qui correspondent particulièrement bien à l'âge de l'information où rapidité, fragmentation et provocation sont la norme. » (p. 50)

Dans «forme brève et instantanés culturels», Guy Poirier soulève l”hypothèse que le bref, le fragmentaire, ne soit pas une transformation du culturel, mais plutôt un changement des modalités de la construction de l'affect. Il affirme que des ouvrages sur la mémoire dans la littérature ancienne et moderne pourraient « laisser croire que l'effort culturel de la fin du XXe siècle visait moins l'éclatement que le raffinement dans la création de contextes émotionnels et affectifs qui conduisent à la transformation de la perception du souvenir. La fragmentation serait alors liée à l'insuffisance de moyens lors de la production de segments affectifs, et par une soif vorace et un besoin quasi essentiel d'accumuler des souvenirs. » (p. 14-15)

→ POIRIER, Guy, et Pierre-Louis VAILLANCOURT (dir.), Le bref et l’instantané. À la rencontre de la littérature québécoise du XXIe siècle, Orléans, David, 2000.


Répétition du monde, variations infimes, fuite dans le minime écart

Quête d'une poéticité de l'évocation du réel, liée à l'économie de l'expression

Les diverses formes plurielles qui ont cours aujourd'hui en littérature s'expliqueraient par la conscience de la complexité du monde et de la fragmentation des vies, dont la fiction serait le lieu privilégié pour en rendre compte :

  • « Au déclin des grandes idéologies, à la mort des “grands récits” explicatifs […] succède un retour du sujet individuel, la conscience que les vies se fragmentent » (93).
  • « La fiction romanesque reste un domaine privilégié pour mettre en forme la complexité du monde : elle passe par l'éclatement de la temporalité, auparavant massivement linéaire, par la mise en scène des différentes voix narratives qui filtrent la réalité racontée » (122).

→ RABATÉ, Dominique, Le roman français depuis 1900, Paris, PUF (Que sais-je?, 49), 1998. [VA - automne 2010]


- « La totalité reste multiple et tangentielle, forcément et heureusement incomplète. Elle est sans synthèse ultime, et pas même un livre ne peut la subsumer. Le roman n'est plus le contenant indiciel d'un monde qui serait son image ou son double ; il est à imaginer selon la logique de la multiplicité » (p. 12-13).

Tous les concepts convoqués par Rabaté servent à rendre compte d'une poétique littéraire contemporaine qui s'élève sur le constat d'une forme totalisante qui semble s'être dérobée, mais dont le désir demeure. C'est dire que la pluralité, quel que soit l'objet à partir duquel elle s'exprime, donne lieu à une tension irréductible.

Le concept de la métonymie

Par « métonymie », Rabaté entend « la possibilité figurale de désigner allusivement le tout par la partie […], la possibilité qu'un fragment du monde appelle le tout par un mécanisme de contiguïté », de même que « l'exploitation même de la continuité de l'axe syntagmatique », en ce que la métonymie substitue à l'infini un mot à un autre pour configurer discursivement notre expérience du monde (p. 47).

L'une des tâches du roman moderne est de rendre compte de la totalité, donner une forme au multiple dans toute sa diversité » (44). C'est cette tâche de totalité « qui doit continuer d'animer l'entreprise romanesque, vouée à dire la complexité du multiple en une forme, certes plurielle et mouvante, mais encore unifiante. Mais, dans le même temps, cette ambition appelle comme son nécessaire revers la conscience que le tout qui structurerait l'unité du monde est peut-être perdu, qu'il se donne en morceaux » (44-45). C'est dire la tension sur laquelle se construisent les textes, lesquels témoignent, sur un mode à la fois joueur et mélancolique (54), de l'impossibilité de reconstituer l'intégralité du réel. Il donne l'exemple de Quignard et de Perec.

RABATÉ, Dominique, Le Chaudron fêlé. Écarts de la littérature, Paris, José Corti (Les essais / Rien de commun), 2006. [VA - été 2010]


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