Wiki – Laboratoire Ex situ / René Audet

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====== Trollage destructeur ======

**Définition brève**

Le trollage destructeur est une technique consistant à empêcher le bon fonctionnement d’un forum de discussion sur Internet.  

**Définition cadrage**

Le trollage destructeur est une forme de manipulation identitaire visant à nuire la cohérence d’un groupe en ligne. Le troll profite de l’anonymat en ligne pour infiltrer un groupe. Il procède en manipulant son identité dans le but de paraître honnête tout en envoyant des messages provocateurs aux utilisateurs dans le but de détourner la discussion vers lui-même. Les trolls possèdent plusieurs moyens pour faire réagir les autres, comme les messages agressifs ou inutiles. Il en résulte des effets néfastes pour le bien-être des communautés, mais aussi celui des individus dans le monde réel. 

**Explication et mise en contexte ** 

L’étymologie du mot vient de l’anglais //to troll//, dans le domaine de la pêche à la traine[3]. Elle consiste à laisser l’hameçon dans l’eau en attendant que morde un poisson. L’usage dans le sens figuré « de provoquer des réactions » est attesté dans un article de John Saar dans le magazine Life dès 1972[4].  

Le mot prend un nouveau sens avec l’avènement du Web. Les plateformes telles que Facebook et Twitter encouragent la pratique du trollage, car elles permettent aux utilisateurs mal intentionnés de créer de faux profils pour exprimer leurs opinions de façon libre et de bénéficier d'une grande visibilité [11]. La participation active des utilisateurs dans le trollage permet aux trolls d'être viraux et d'être vus par le monde entier. De plus, le site Web de //Youtube// permet de créer des trolls sous forme de vidéos, rendant la pratique plus captivante et intéressante pour les utilisateurs en ligne[1].  

Le troll se présente comme un participant honnête dans un groupe. Dans le but de détourner le sujet de discussion envers lui-même, le troll profite de son apparence authentique pour envoyer des messages provocateurs[3]. L’effet du trollage est le renforcement du sentiment communautaire, car le groupe doit repousser le troll[2]. Dans la politique, la campagne électorale de Donald Trump témoigne du trollage employé comme moyen de détourner l’attention médiatique envers le candidat républicain tout en lui créant un air d’authenticité[5].  

**Aspects pour mieux comprendre la notion**  

Anonymat et relation avec l’identité 
 
Le Web et les outils de communication numérique, comme les réseaux sociaux, complexifient le rapport à soi-même et aux autres. L’identité est une des bases dans l’établissement d’un lien avec d’autres personnes. Cependant, l'anonymat rend impossible toute contextualisation d’un message[3]. 


L'action d’influence 

Le but des trolls est de perturber ces conversations et de déstabiliser les membres qui y participent. Les trolls s’efforcent d’acquérir la culture et les normes des communautés afin de mieux s’en servir et de les détourner. Ces derniers accaparent les règles qui régissent au sein de ces communautés en les utilisant comme « des aires de jeux » et qu'ils détruisent[12].	 


Le trollage destructeur dans les communautés en ligne  

Le comportement antisocial des trolls peut entraîner des conséquences dysfonctionnelles sur les communautés en ligne. Les répercussions s’intensifient lorsque leurs membres éprouvent un sentiment d’appartenance et que la communauté comporte beaucoup de personnes. Les individus de ces communautés peuvent réagir de plusieurs façons : quitter la communauté, ignorer les trolls ou les contester grâce aux discussions. Si les membres d’une communauté tentent de raisonner les trolls, ils affectent sans le vouloir l’atmosphère de la communauté. C’est pourquoi elles tentent d’adopter des normes pour encourager ses membres à les ignorer. Il reste que le bannissement de ces trolls est tout aussi efficace. Un constat est certain : réagir aux trolls nuit à la cohésion des communautés[6].


Étude de cas

Le trollage peut produire des effets psychologiques importants sur ses victimes. L'expérience de la youtubeuse américaine Jessi Slaughter en témoigne. En 2010, à seulement 11 ans, elle est devenue populaire pour ses vidéos qui abordaient des sujets controversés et sensibles. Ses vidéos ont attiré l’attention de certains individus mal intentionnés du Web, notamment les utilisateurs du site Web 4chan. Ces individus ont divulgué ses informations personnelles (le doxing) dans le but que d’autres individus puissent la harceler. Ces événements ont causé de nombreux problèmes pour la jeune fille. Pour la protéger, son père a envoyé des menaces aux trolleurs par l’intermédiaire d’une vidéo, ce qui n’a pas aidé la situation à s’arrêter[10]. 

 
Le trollage destructeur en politique 

Contrairement à la plupart des trolls, le troll destructeur en politique est une figure d’autorité connue. Il cherche à discréditer un parti politique, à répandre le chaos et à diffuser de fausses informations. Les objectifs de cette pratique varient, mais elle vise surtout à détourner le public de la vérité et à influencer l’opinion publique[7]. L’élicitation affective permet à certains politiciens, comme Donald Trump, de se construire une communauté qui l’appuie dans toutes ses idées, presque de manière irrationnelle[8]. En Russie, les positions politiques et l’opinion publique sont manipulées dans le but de faire croire que son système est démocratique[9]. Le troll politique peut influencer facilement les individus puisqu’il provient d’une figure d’autorité ou d’une instance dont plusieurs tendent à légitimer ses propos par son statut[8]. 


**Notions corollaires** 
  
Loi de Poe 

Griefer 

Shitposting
 
Ferme à trolls
 



**Rédacteurs** : Arnold Akpavi Hamdelick, Emmery Dodji Djibom Loic, Thériault Jimmy, Yarus Ethan Alexander 

**Références bibliographiques** 

[1] Cardon, Dominique. « Le design de la visibilité. Un essai de cartographie du web 2.0 ». Réseaux 152, no 6 (2008): 93‑137. https://doi.org/10.3166/reseaux.152.93-137. 

[2] Gensollen, Michel. « Économie non rivale et communautés d’information ». Réseaux 124, no 2 (2004): 141‑206. 

[3] Revillard, Anne. « Les interactions sur l’Internet. (note critique) ». Terrains & travaux 1, no 1 (2000): 108‑29. https://doi.org/10.3917/tt.001.0108. 

[4] Saar, John. « Either you do what they want, or you go turn in your wings », 4 février, 1972 (en ligne), Life, consulté le 10 mars 2024. https://books.google.fr/books?id=EkAEAAAAMBAJ&pg=PA28&hl=fr#v=onepage&q&f=false 

[5] Seymour, Richard. « The Right’s Use of Trolling Is so Predictable, Why Do We Keep Falling for It? » The Guardian, 28 octobre 2019. Consulté le 10 mars 2024. https://www.theguardian.com/commentisfree/2019/oct/28/right-trolling-posts-political-opponents. 

[6] Sun, Qiusi, et Cuihua Shen. « Who would respond to A troll? A social network analysis of reactions to trolls in online communities ». Computers in Human Behavior 121 (1 août 2021): 106786. https://doi.org/10.1016/j.chb.2021.106786. 

[7] Trottier, Daniel, et Sara Polak. Violence and Trolling on Social Media: History, Affect, and Effects of Online Vitriol. Amsterdam University Press, 2020. https://muse.jhu.edu/pub/315/oa_edited_volume/book/82197.
 
[8] Olson, Greta, « Love and Hate Online: Affective Politics in the Era of Trump », édités par Sarah Polak et Daniel Trottier, dans Violence and Trolling on Social Media : History, Affect, and Effects of Online Vitriol, Amsterdam University Press, 2020, p.153-156, https://muse.jhu.edu/book/82197.

[9] Zelenkauskaite, Asta. Creating Chaos Online: Disinformation and Subverted Post-Publics. Ann Arbor: University of Michigan Press, 2022. https://muse.jhu.edu/pub/166/oa_monograph/book/102703. 

[10] Pudlowski, Charlotte.  « Jessi Slaughter: toute l’histoire de l’ado qui enflamme les Etats-Unis », 20minutes.fr.07 juillet 2010. Consulté le 10 mars 2024. https://www.20minutes.fr/web/586189-20100723-jessi-slaughter-toute-histoire-ado-enflamme-etats-unis. 

[11] Peter, Kelly-Anne.  « Les grandes différences entre les principaux réseaux sociaux! LinkedIn, Facebook, Twitter, Instagram et YouTube », Parkour3. 25 mai 2021. Consulté le 10 mars 2024.  https://www.parkour3.com/blog/2021/05/les-grandes-differences-entre-les-principaux-reseaux-sociaux-linkedin-facebook-twitter-instagram-et-youtube/

[12] Gensollen, Michel. « Économie non rivale et communautés d'information ». Réseaux 1, no 124 (2004): 141‑206. https://www.cairn.info/revue-reseaux1-2004-2-page-141.htm.