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Table des matières
Cyber misogynie
Définition de la notion
Le phénomène de la cyber misogynie se définit comme une variété de formes d’hostilités sexistes perpétrées en ligne à l’égard des femmes, souvent dans des situations de pouvoir.
Mise en contexte
Les caractéristiques du web, en elles-mêmes, favorisent l'apparition de cyber violences. Plusieurs travaux issus d’études en communications indiquent que la présence diminuée de langage paraverbal et d’indices contextuels peut être source de malentendus(1). Selon Duerksen et Woodin, les comportements des usagers se trouvent désinhibés en raison de la virtualisation des échanges(2). À cela s’ajoute l’accessibilité et l’immédiateté caractéristique du Web qui participent aussi à la désinhibition des usagers (3). Ainsi, le Web est un contexte favorable à l’apparition de comportements violents et haineux dont les femmes sont souvent les cibles.
Plusieurs articles s’attardant de près ou de loin au sujet de la cyber misogynie ont été publiés après le Gamergate, une crise survenue dans le monde du gaming en 2014 qui a généré une grande vague de haine envers plusieurs femmes du milieu du jeu vidéo. La recherche sur le sujet a permis de cerner certains actes misogynes qui sont perpétrés sur internet, et notamment sur les réseaux sociaux. De nombreux concepts liés à des formes de cyber misogynie ont été définis par les chercheurs: cyber violence genrée, violence sexiste en ligne, cyber harcèlement, cyber violence conjugale, masculinité geek, manosphère, etc. (Dupré et Carayol, 2020). Cette page s’attardera sur les cyber violences conjugales et la masculinité geek, ces phénomènes présentant une bonne partie des problématiques liées à la cyber misogynie.
Aspects
La cyber violence conjugale
La cyberviolence conjugale se caractérise par une forme d’acharnement numérique exercé par des individus à l’encontre de leur partenaire ou de leur ex-partenaire. Les femmes victimes de violence conjugale sont particulièrement ciblées. Elles se voient harcelées, contrôlées et surveillées par leur partenaire via le numérique (à l’aide de moyens tels que les réseaux sociaux, la gestion des appareils électroniques ou d’autres outils numériques).
D’abord, un des genres de cyber violence conjugale est le cyber contrôle. Le cyber contrôle fait référence au contrôle numérique exercé par un partenaire (ou ex-partenaire) sur l'autre. Ce contrôle peut prendre plusieurs formes telles que l'obligation au dévoilement des mots de passe, le contrôle des communications virtuelles et l'obligation des femmes à être joignable en tout temps par leurs partenaires. De plus, plusieurs hommes interdisent à leur compagne de communiquer avec d’autres personnes, ils exigent de recevoir des photos pour qu’elles prouvent ce qu’elles sont véritablement en train de faire et confisquent parfois même leur téléphone. Le contrôle numérique peut aussi prendre la forme de la cyber stalking. En fait, ce concept se caractérise par l’utilisation d’outils numériques par des hommes qui peuvent alors suivre et surveiller leur partenaire en permanence. Par exemple, des femmes sont obligées de partager avec leur partenaire leurs codes de comptes en ligne et d’appareils électroniques afin qu’ils puissent avoir un accès et vérifier leurs activités en ligne. Des femmes sont aussi surveillées à distance souvent à l’aide de logiciels GPS ou espions, qui permettent de connaître l’emplacement de leur partenaire en tout temps.
Ensuite, une autre branche de cyber violence conjugale est la cyber violence sexuelle. Ce type de violence se caractérise par la réception ou l’envoi de photos, de vidéos ou de contenu audio et écrit à caractère sexuel sans le consentement du partenaire (INSPQ). Cette violence se fait majoritairement dans un contexte privé où le partenaire exerce une pression constante sur sa partenaire qui se sent obligée de consommer ou de faire du contenu sexuel ou pornographique. Il existe aussi une autre forme de violence sexuelle plus indirecte. Elle porte souvent le terme de revenge porn et se caractérise par la publication en ligne de contenu à caractère sexuel sans l’autorisation du partenaire. La publication peut être faite sur des plateformes publiques ou peut être envoyée directement à des individus, habituellement des personnes proches de la victime telles que sa famille, ses collègues de travail ou ses amis (INSPQ). Le but de ce partage est de se venger en exposant sa partenaire ou son ex-partenaire à du dénigrement de la part des récepteurs du contenu sexuel. La partenaire se voit victime de haine et peut aussi être victime de menaces (étude hostilité). Ce type de violence a pour conséquence de restreindre l’accès à des opportunités reliées à leurs réputations. Ce type de violence perpétrée en ligne augmente le sexisme envers les femmes et fait ressortir les préjugés découlant du victim-blaming et de la masculinité toxique (Eikrem, Ingram-Waters).
La masculinité geek
La masculinité geek se définit comme une masculinité alternative à la masculinité hégémonique de la société. Le capital social se construit sur des compétences technologiques et informatiques associées au masculin. Cette forme de masculinité implique un maintien du stéréotype genré de l’homme technophile compétent et de la femme incapable d’utiliser la technologie. Ainsi, le gatekeeping est une pratique courante sur le Web afin de « préserver » le contrôle sur les technologies de choix des « masculinistes geek » (ref).
L’exemple le plus marquant de « gatekeeping » de la technologie est sans doute le Gamergate. En 2014, la développeuse de jeux vidéo Zoe Quinn se voit la cible de plusieurs attaques haineuses sur le Web à la suite d’un article publié par son ex-partenaire suggérant que son succès serait dû à des faveurs sexuelles. À la suite de ces événements, plusieurs femmes dans le domaine du jeu vidéo sont aussi la cible d’attaques en ligne allant de commentaires haineux, en passant par les menaces de mort et allant jusqu’au dévoilement d’informations personnelles telles que l’adresse civique.
Cette victimisation a été amplifiée par la présence de plus en plus marquée de critiques concernant les excès de la sous-culture gamer (critique de la misogynie, de la violence, etc.), créant ainsi un besoin de la défendre contre ses détracteurs. Les femmes, associées à cette « féminisation » du jeu vidéo, deviennent donc la cible de campagnes de violences en ligne.
Références critiques
- CHARTON, Laurence et Chantal BAYARD, « Les violences contre les femmes et les technologies numériques : entre oppression et agentivité », dans Recherches féministes, vol. XXXIV, n°1 (2021), p. 313-330, [En ligne]. https://doi-org.acces.bibl.ulaval.ca/10.7202/1085255ar (consulté le 12 mars 2023)
- Conseil du statut de la femme, « L’hostilité en ligne envers les femmes », dans Conseil du statut de la femme, Gouvernement du Québec, (2022), [en ligne]. https://csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/Etude-hostilite-en-ligne-envers-les-femmes.pdf [consulté le 12 mars 2024].
- DUPRÉ Delphine et Valérie CARAYOL, “Haïr et railler les femmes en ligne: une revue de la littérature sur les manifestations de cyber misogynie”, dans Genre en série, n°11 (2020), p. 1-23, [En ligne]. https://doi.org/10.4000/ges.1072 (consulté le 12 mars 2024).
- EIKREN, Emilee et Mary INGRAM-WATERS, « Dismantling “You Get What You Deserve”: Towards a Feminist Sociology of Revenge Porn », dans Ada: A Journal of Gender, New Media, and Technology, n°10 (2016), [en ligne]. https://scholarsbank.uoregon.edu/xmlui/bitstream/handle/1794/26805/ada10-disma-eik-2016.pdf?sequence=1 [consulté le 12 mars 2024].
- Institut national de santé publique du Québec, « Cyberviolences dans les relations intimes » dans Institut national de santé publique du Québec, Gouvernement du Québec, (2024), [en ligne]. https://www.inspq.qc.ca/violence-conjugale/comprendre/cyberviolences-dans-les-relations-intimes#:~:text=Les%20cyberviolences%20sont%20une%20forme,partenaire%20ou%20un%20ancien%20partenaire. [consulté le 12 mars 2024].
- Observatoire régional des violences faites aux femmes, « Cyber-violences conjugales : recherche-action menée auprès de femmes victimes de violences conjugales et des professionnel-le-s les accompagnant » dans Observatoire régional des violences faites aux femmes, Centre Hubertine Auclert, (2018), [en ligne]. https://www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/medias/egalitheque/documents/synthese-cyberviolences-conjugales-web.pdf?fbclid=IwAR3oxEtJOcIhYMgIUm9w2sQ3c6tF8xAeeIfEpqoQHxGi4qt0fJBKYhLdmzs [consulté le 12 mars 2023]
- SALTER, Michael, « From geek masculinity to Gamergate: the technological rationality of online abuse » dans Crime, Media, Culture, vol. XVIII, n°2 (2018), p. 247-264, [en ligne]. https://doi-org.acces.bibl.ulaval.ca/10.1177/1741659017690893 (consulté le 12 mars 2024).
Notions corollaires
- Humour misogyne en ligne (exemple : mèmes)
- Manosphère
- Upskirting et creepshot
Rédacteurs/rédactrices
Laurie Chouinard, Victor Lesage, Rosemarie Lévesque, Dorothée Moisan